Au programme de cette journée, itinéraire Gaudi : parc Güell, Casa Batllo, Sagrada Familia.
Par bonheur le temps s’est mis enfin au beau et nous avons pour la première fois du séjour droit à du grand soleil.
Nous arrivons au parc Güell par la face escarpée : la station de métro Vallcarca, la plus proche, nous laisse en contrebas et nous devons remonter une rue particulièrement pentue pour accéder au parc. Certaines portions de la rue ont d’ailleurs été agrémentées de volées d’escaliers (et d’escalator) afin de faciliter la grimpette.
On arrive dans le parc près de la « colline des trois croix », le point culminant où se dressent trois croix de pierre. Le lieu qui offre une vue imprenable sur la ville. Le ciel clair et le temps dégagé nous permettent de profiter pleinement de ce panorama remarquable, qui rappelle au cas où on l’oublierait, que Barcelone est une ville immense.
Partout sur le chemin qui descend vers le reste un parc, des vendeurs à la sauvette installent leurs petits étals, proposant foulards, éventails, bijoux… On arrive à l’esplanade où Gaudi a installé son célèbre banc de mosaïque, qui serpente sur tout le pourtour. Là aussi, les vendeurs ambulants proposent leurs babioles à bon marché –le temps de faire quelques photos des magnifiques bougainvilliers et des « maisons pain d’épice » qui bornent l’entrée du parc, que l’apparition d’une voiture de la police urbaine les aura fait s’évaporer comme par magie.
Heureusement, une portion du banc est balisée et interdite d’accès par des rubans : cela permet d’apprécier les mosaïques, impossible ailleurs à voir car cachées par les popotins des touristes assis. En guise de gargouilles, des têtes de chien prolongent les écoulements prévus dans le banc.
En dessous de l’esplanade, la salle hypostyle dite « salle des cents colonnes » : 86 colonnes blanches et un plafond constellé de soleils de mosaïques. Elle abrite un joueur de guitare et une danseuse exécutant une sorte de flamenco avec des éventails ornés de rubans comme des flammes. On parvient ensuite aux escaliers avec la fameuse salamandre bleue, qui accueille les visiteurs arrivant par l’entrée basse du parc, rue Olot. Mascotte du lieu, mais inapprochable en raison du flot ininterrompu des touristes qui se pressent pour se faire photographier à coté. De part et d’autre de l’entrée, les maisons « Hansel et Gretel », qui semblent faites de nougatine et de crème fouettée : murs de brique, toits et fenêtres ornés de céramique colorée, et pour l’une d’entre elle, une sorte de clocher portant une croix à 4 bras, typique de Gaudi. Ces pavillons abritent respectivement la conciergerie (et une expo payante) et la boutique de souvenir. On y retrouvera la salamandre déclinée sous toutes les formes : porte clé, presse papier et autres.
Le parc est fermé coté rue Olot par une grille de fer forgé elle-même conçue par Gaudi, sur des motifs végétaux.
Nous rejoignons le métro le plus proche, Lesseps, à 1 km et demi. Heureusement cette fois, ça descend et le quartier est agréable. Des fontaines d’eau potable sur le chemin nous permettent de nous rafraîchir et de remplir notre bouteille, elles sont particulièrement bienvenues.
Le métro nous conduit juqu’àu Passeig de Gracia, et à la casa Battlo. On tombe immédiatement dessus en sortant du métro, cueillis par cette maison incroyable.
Appelée aussi «Casa de los huesos » à cause des balcons qui peuvent rappeler des ossements, sa façade multicolore de céramique et de verre évoque aussi bien la mer qu’un jardin, et le toit, coiffé lui aussi d’une croix à 4 branches, figure un dragon ondulant. Par chance, il n’y a quasiment pas de queue pour entrer et bénéficier de la visite du lieu.
C’est entrer dans un lieu surprenant et envoutant que de visiter la casa Batllo. Une rampe de bois évoquant une colonne vertébrale borde l’escalier qui permet d’accéder aux étages, elle est faite de manière à suivre d’une manière parfaitement fluide le geste de la main. Au centre, le puits de lumière tout couvert de faïence bleue, dans un savant dégradé allant du bleu très clair en bas vers un bleu soutenu en haut (afin que la perception de la couleur, en fonction de l’exposition à la lumière, paraisse lissée et homogène), abrite un ascenseur et éclaire l’ensemble des pièces par l’intérieur. La pièce la plus remarquable est sans doute le salon du premier étage, qui se trouve derrière le grand balcon aux formes osseuses : plafond en relief de tourbillon, boiseries douces, vitraux, et même des paravents de bois et de verre qui permettent de moduler l’espace et de séparer les deux extrémités du salon en les transformant en petites pièces autonomes. Comme Le Corbusier, Gaudi ne laisse rien au hasard : rien de gratuit dans les formes décoratives des poignées de porte, dont le moulage s’adapte parfaitement à la main (Gaudi a conçu lui-même le moule en argile sur sa propre main avant de faire fabriquer les éléments en bronze), ni dans les systèmes d’aération des pièces inspirés des ouïes des poissons, qui permet de moduler grâce à des lames de bois la circulation de l’air chaud ou frais entre l’intérieur et l’extérieur -la climatisation avant l’heure, en somme.
On trouve aussi, ailleurs, une cheminée bâtie directement dans le mur, au fond d’une sorte d’alcôve en forme de champignon et flaquée de deux bancs (permettant d’accueillir, dit on, un jeune couple et son chaperon), une cour intérieure décorée de jardinières de céramique, un grenier dont les arcades font penser à une cage thoracique que baleine.
On arrive enfin au toit, qui mérite lui aussi la visite : cheminées regroupées et façonnées en céramique colorée, citerne, et surtout une vue imprenable sur le « dragon » et la croix gaudienne. Son épine dorsale est faite de tuiles rondes dans un dégradé de couleurs allant du bleu au rouge, le flanc visible de la rue est couvert de grandes écailles, l’autre est une mosaïque d’ocres et de blanc. La métaphore est filée jusqu’au bout !
A proximité, deux autres maisons remarquables : la casa Amatller et la casa Morera. Baptisé « ilot de la discorde » ce groupe de bâtiment confronte 3 expressions très différentes pourtant issues d’un même courant architectural, le modernisme.
Après cette magnifique visite, nous décidons de nous poser pour manger quelques tapas revigorants. C’est « Tapas Tapas » sur le passeig de gracia qui fera notre bonheur. Pas forcement l’adresse la plus authentique de la ville vu le quartier très hype, mais une carte attractive et surtout, le bon gout d’être au bon endroit au bon moment ! Nous optons donc pour des « patatas bravas » (frites arrosées d’aioli et de sauce tomate relevée, une curiosité), des « xoricets » (mini chorizos rôtis, un délice !), de la « salade russe » (une macédoine liée à la mayonnaise et agrémentée de thon) et de nouveau des « croquetes de pernil ».
La prochaine cible est la Casa Mila : nous remontons donc le passeig de gracia sur quelques blocs (le quartier de l’Eixample est découpé à la manière d’une grille où les rues se croisent à angle droit), pour trouver cette imposante bâtisse de 7 étages.
La particularité de cette avenue (longue de 5km tout de même !) est de proposer, où que le regard se pose, d’incroyables maisons. Les rez-de-chaussée sont occupés par des boutiques (de luxe, pour la plupart) mais il faut lever le nez pour apprécier les immeubles bourgeois rivalisant de moulures, de balcons ornés, de tourelles vitrées comme des oriels d’angle. Là aussi, on a cette impression de « feu d’artifice » où une merveille succède à une merveille.
Nous ne ferons pas la visite de la Pedrera (file d’attente, prix des visites, timing….) mais nous prenons tout de même le temps d’admirer la façade blanche, comme une falaise ondulante, les balcons de fer forgé évoquant des rubans d’algue et des entrelacs végétaux. Comme pour la Casa Batllo, pas de lignes droites, et une architecture fluide, inspirée des formes de la nature.
En traversant, on peut mieux voir le toit et les cheminées qui ressemblent à des heaumes de chevaliers, gardiens hiératiques postés comme des vigies au dessus de la ville. C’est, dit on, la dernière œuvre civile de Gaudi qui se consacrera ensuite à des monuments religieux.
Justement, la prochaine étape est la Sagrada Familia. La carrer Provença nous y amenerait tout droit, mais nous faisons un détour pour voir une autre curiosité, la Casa Terrades, dite « casa de les punxes » : une sorte de château de conte de fée, avec ses toits pointus et ses moulures blanches sur des murs de briques rouge, à l’angle de l’immense avenue Diagonal. Œuvre de l’architecte Josep Puig i Cadalfach (comme la casa Amatller) c’est un bâtiment privé, qui ne se visite pas.
Nous aurions pu prendre le métro pour rejoindre la Sagrada Familia, mais, voyant qu’il n’y avait qu’une seule station, nous optons pour la marche à pieds. Difficile d’évaluer les distances avec un plan sans échelle, la basilique n’est pas si près que ça ! On en aperçoit de loin les clochers et les grues, avant d’y arriver en traversant un petit jardin public.
Evidement, l’accès est payant, avec un supplément pour l’audio guide –j’imagine que cet argent sert à financer les travaux, dont l’achèvement est prévu pour 2025.
Je n’avais pas de souvenirs précis de l’église, hormis les escaliers en colimaçon des tours et le vertige qui va avec. Je l’ai donc redécouverte d’un œil neuf. Cette fois, l’accès aux tours était fermé, sans doute à cause des travaux, ainsi que le centre de la nef et le chœur.
L’entrée se fait côté façade de la Passion, où un christ flagellé accueille le visiteur, et par une porte monumentale où sont inscrits des extraits des évangiles. Le porche monumental repose sur des colonnes qui me font penser à des rideaux tirés de part et d’autre d’une scène. Les statues ici sont l’œuvre de Subirachs, qui a également disposé à plusieurs endroits des cryptogrammes (en quelque sorte, un hybride du « sudoku » et du « compte est bon » : un carré de 4 sur 4, rempli de chiffres dont l’addition donne 33, avec plus de 300 combinaisons possibles pour obtenir ce chiffre). Leur austérité, liée à la façon dont le sculpteur schématise les silhouettes et les visages, renforce l’aspect dramatique de cette façade de la passion.
Une fois franchi ce portail, l’entrée dans la nef est une sorte de plongée au milieu de la lumière. On se retrouve au milieu d’une forêt de piliers qui ressemblent à des arbres dont les palmes s’épanouissent 75m plus haut. Les vitraux contemporains en dégradé de couleurs rouge et bleu, nimbent la nef d’une magnifique lumière, très douce. Toutes les fenêtres ne sont pas habillées de vitraux : une partie d’entre elles est simplement revêtue de vitres blanches, permettant au jour d’entrer de façon très naturelle et, en se réverbérant sur la pierre blanche des piliers et des cloisons, d’éclairer complètement l’église. Dans le chœur, un Christ suspendu semble abrité par un parasol de lumières et surmonté, au plafond, d’un triangle doré symbolisant la sainte trinité. Il faut dire que cette basilique, comparée à un poème mystique, décline partout les symboles. Encore une fois, Gaudi ne laisse rien au hasard dans sa construction, même si le visiteur ne peut pas tout voir ou tout comprendre.
On ressort à la fin sous la façade de la Nativité, totalement différente de la façade de la Passion. Le foisonnement de statues et de détails surprend : la façade de la Passion était presque dépouillée, ici anges, personnages et animaux recouvrent les murs. Un cyprès abritant un envol de colombes (l’arbre de vie) surplombe le portail, lui-même surmonté d’un Tau symbolisant Dieu le père. C’est la seule façade de la basilique à avoir été construite du vivant de Gaudi, elle comporte 3 portails (celui de la Foi, de la Charité et de l’Espérance), une foule de motifs végétaux et animaux, et deux tortues servant de base aux piliers. Ici les représentations sont traitées de manière réaliste et assez classiques. On retrouve bien sur une nativité, l’annonce faite à Marie, les anges musiciens et des épisodes de l’enfance du Christ : la part heureuse et presque bucolique par opposition à la tourmente et à la souffrance exprimée sur la façade de la Passion. On pourrait passer des heures entières à regarder la façade pour en saisir tous les détails.
La Sagrada Familia est néanmoins une œuvre encore inachevé : la façade de la Gloire est à peine commencée et il manque encore une dizaine de tours - il n’y en a aujourd’hui « que » 8. Ce sont elles que l’on voit se dresser, de très loin, coiffées de leurs croix rayonnantes couvertes de céramiques colorées, entre les grues. Au final, si la dernière pierre est posée à la date prévue, il aura fallu 150 ans de travaux pour construire cet édifice.
Après cette ultime visite (nous faisons la clôture du site), nous optons pour le métro pour regagner le centre et manger. Nous commençons en effet à nous sentir sérieusement fatigués après les kilomètres avalés dans la journée. L’idée première était d’aller sur le port pour souper face à la mer, nous descendons donc à la station Barcelonetta. Malheureusement il faut se rendre à l’évidence : les prix des restaurants sur la promenade du port sont prohibitifs. N’ayant pas l’envie ni l’énergie de faire encore une longue distance à pieds, nous nous replions sur le centre dans l’idée de trouver un resto –si possible, autre chose que des tapas pour notre dernier soir barcelonais. Par chance, nous tombons sur un resto orienté « word food », dans une toute petite rue qui ne paie pas de mine. Il est 21h passées et nous sommes fourbus, la carte semble sympa et l’ambiance aussi, nous décidons donc de nous y poser. Le hasard nous aura donné raison : la cuisine est créative, d’une belle qualité et ça change des tapas et des fritures (il faut reconnaitre que la cuisine espagnole « tradi », bien que savoureuse, est plutôt grasse !).
Après un rapide tour dans le quartier histoire de gouter une dernière fois à l’animation et à l’ambiance festive, nous grimpons dans le métro pour regagner l’hôtel, les yeux encore tous pleins d’étincelles après cette journée.
Les photos, c'est ici : http://mes-peregrinations.blogspot.com/2011/06/barcelone_3966.html