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  • 27 ans

    C’est le temps qu’il aura fallu pour qu’une amitié se transforme en passion et fasse voler en éclat la vie que je me suis construite, certes à grand coup de renoncements, mais en pensant y trouver plus de bénéfices que de manques, sur ces 16 dernières années.

    L’été dernier, nos échanges ont commencé à changer.

    En automne, tu me faisais ta première déclaration.

    En octobre, on s’appelait pour la première fois depuis des décennies, je retrouvais ta voix, identique à celle de mon souvenir, et notre dialogue reprenait comme s’il s’était interrompu la veille. A partir de ce moment nous nous sommes appelés tous les jours et je savais, en ouvrant cette première conversation, qu’il en serait ainsi.

    Le 1er décembre nous étions concrètement amants. Nous avions anticipé quelques jalons mais rien ne laissait présager cette entente.

    Toute fin janvier, je débarquais chez toi pour quelques jours en douce, et nous assistions ensemble pour la première fois à un concert de cette musique qui nous a, dès à l’époque, amenés l’un vers l’autre.

    27 ans et 6 mois pour bouleverser une vie.

     

    Et maintenant ?

    Je me souviens de mon retour après ces quelques jours ensemble. D’avoir passé les deux heures entre nos au revoir et le décollage de l’avion à pleurer toutes les larmes de mon corps. D’avoir trouvé un étranger dans mon conjoint qui m’accueille. De me sentir étrangère chez moi. De te chercher inlassablement dans ce lit qui est plus que vide faute d’être partagé avec toi.

     

    Cela fait 10 jours à présent.

    Le sevrage a été brutal et la sensation de décalage intense.  Puis les choses se calment et le quotidien reprend le dessus -un peu. Reste l’évidence du choix.

    Au début je n’y pensais pas. Puis plus le temps avance, plus nous construisons et plus cette nécessite du choix s’impose.

    Depuis mon retour, ce qui était flou devient évident. Comme cette même évidence qui nous guide l’un à l’autre, et préside aux moments que nous partageons.

    Certes, il serait plus « facile » de renoncer à toi, de rester dans mon cadre et dans ces habitudes, sans risques, sans faire souffrir personne d’autre que nous deux. Rester dans ces charentaises qui conviennent à tout le monde mais qui habillent mes pieds de plomb. 

    Mais mon cœur a tranché, il me tourne vers toi.

    Reste cette question : comment ? Comment annonce-t-on à celui avec qui on vit depuis 16 ans que l’histoire s’arrête ? Comment fait-on souffrir des gens qui n’y sont pour rien et seront les victimes collatérales ? Comment se justifier auprès des parents, des amis ?

    Comment ?

     

     

  • Old time, old love

    Il n’y aura donc jamais de symétrie entre nous.

    La place qui est la tienne, la place de cette histoire, pour fondatrice qu’elle ait été pour moi, ne peut trouver son équivalent dans ta vie.

    Je le comprends aujourd’hui et je le constate sans rancœur.

    Te revoir fut une sorte de défi, après avoir été une vraie déchirure. (Il m’a fallu du temps pour apprendre à guérir de toi.)

    Mais aujourd’hui, je peux le faire sans danger.

    Je te vois et les presque trente années écoulées n’ont pas vraiment modifié ta beauté. Je reconnais chaque expression de ton regard, chaque geste, chaque intonation de ta voix. Je reconnais ton sourire et ton rire, la cicatrice au bord de ta lèvre, les reflets verts de tes yeux.

    Je reconnais tout ce qui à cette époque me transportait d’amour et de désir pour toi.

    J’ai retrouvé il y a quelques mois le recueil de poèmes dont tu étais l’inspirateur et le dédicataire, et te revoyant je comprends encore chaque mot que j’ai écrit. Je n’ai rien oublié de nous, même s’il n’y eut jamais vraiment de nous.

    Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Une grande tendresse à ton égard, et une gratitude aussi car sans toi, sans la musique que tu m’as fait découvrir, sans l’amour déraisonnable que je te portais et qui m’a fait m’y investir, je ne vivrais pas cette histoire étonnante qui m’anime aujourd’hui.

    Tu auras changé ma vie plusieurs fois.

    Il aura fallu la mort de ton frère pour en prendre conscience.

     

  • Adieu

    Il s’agira demain de dire adieu à un ami.

    Pas un de ces amis proches que l’on voit tout le temps, mais un de ceux qui, même après s’être un peu perdus de vue, restent très cher à votre cœur.

    Une dizaine d’année à chanter ensemble au chœur, c’est se voir une fois par semaine et trois week-end l’année, c’est partager les moments forts de concerts et les fêtes de 3e mi-temps.

    C’est connaître les conjoints, et accompagner l’autre quand un coup du sort le rend veuf. C’est l’accueillir à nouveau dans le cocon du groupe après un deuxième coup du sort sous forme d’un AVC. Jusqu’à ce qu’un troisième, ce foutu crabe, ne l’éloigne définitivement .

    Il se sera battu longtemps et vaillamment mais hélas il n’aura pas vu se lever l’année nouvelle.

    Mais cet ami, s’il a une place unique, c’est aussi par un lien particulier : l’amour inconditionnel qui me lia à son frère il y a bien des années. Si le sort l’avait décidé, si mes vœux de l’époque avaient été exaucés, nous aurions été de la même famille.

    Demain, au moment de lui dire adieu et de chanter pour lui l’Ave Verum de Mozart, je ne pourrai pas faire l’économie du souvenir de cette histoire ancienne. Il y a aura là bien des choses en présence : mon affection pour Bruno, le souvenir de mon amour pour son frère, et la présence de celui ci avec la femme qu’il m’avait préférée à l’époque, avec les enfants qu’elle lui a donnés -ce qui n’aurait pas été possible avec moi.

    Le hasard a fait que je ne les aurai jamais connus ensemble. Si l’un et l’autre, je les ai connus et côtoyés par le biais du chant et du même chœur, ce n’est qu’après le départ de Stéphane que j’ai rencontré Bruno. Je me souviendrai toujours de la première fois où je l’ai entendu chanter : au-delà de l’air de famille, la ressemblance de sa voix avec celle de son frère m’avait cueillie, plantant son glaive dans une plaie encore ouverte.

    Il y a des histoires dont on ne revient jamais tout à fait, malgré le temps et tout le raisonnable.

    Mais demain, il s’agira de dire adieu à un ami.