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Focus ( or not focus)

Je viens d'apprendre que le CPE a été abrogé en France.
Je ne sais pas si c'est un bien ou un mal, je n'écris pas ce post pour donner mon avis la dessus.
J'avais juste envie de donner un reflet de la manière dont ces histoires ont été percue et traitées ici à Boston.
D'abord, il faut noter que l'info a été relayée, et que les journaux américains parlaient de ce qui se passait en France, au moment où les maifestations et les grèves battaient leur plein :  je pense que ce n'est pas si souvent que les médias américains font part de l'actualité française.

Pour l'homme de la rue, vue d'ici , la France était en guerre civile.  La plupart du temps, quans je disais que j'étais Française, mon interlocuteur répondait : "oh ! mais c'est la révolution en France "  Quelqu 'un nous a même demandé si nous n'avions pas peur pour nos familles "avec tout ces évèmenents dangereux" . Et moi de temperer, "mais non, pas plus que d' habitude, ce sont juste quelques manifestations"...
Descendre dans la rue, ballader des banderoles en criant des sloggans, faire grêve pour s'opposer au gouvernement, ce n'est pas dans la mentalité des gens d'ici. Limite, ca les choque, pour de nombreuses raisons (notamment parce qu'ils ne sont pas enclins à attendre que la solution vienne d'en haut et préfèrent jouer le "chacun pour soi" )
Ils sont étonnés quand je leur dis qu'en France nous avons 5 semaines de congés payés par an ( et encore, j'ai jeté un voile pudique sur les RTT ) , et que j'ai pu prendre 3 mois de congé sans solde sans qu'une lettre de licenciement m'attende à mon retours. Ce sont des privilèges qui n'existent pas ici, comme tant d'autres.

Je me souviens aussi de ma propre expérience de manif d'étudiants. En fac de Lettres, chaque promo avait déja droit à son mouvement de protestation traditionel contre le manque de moyen et la vétusté de l'établissement, mais là c' était autre chose :nous étions en 95, la grande vague de protestation contre le plan Juppé.
Je garde de ces manifs un souvenir assez sympathique, C'était une sorte de fête, on chantait des chansons révolutionnaires en agitant des drapeaux et des banderoles portant des sloggans marrants. Il y avait un sentiment de fraternité joyeuse avec des gens que l'on ne connaissait pas et qui étaient là pour des raisons similaires.  Mais au fait :quelles étaient mes raisons? Aucunes. A part cette curiosité de voir comment c'était une manif. En 95,  j'avais 21 ans, j'etais étudiante en fac (de psycho, qui plus est !), on m'avait dit  “le plan Juppé c'est mal  il faut aller manifester contre” et, moitié poussée par la curiosite, moitié sous l'influence d'un certain environnement, j'y étais allée. Je n'avais aucune connaissance réelle de ce qu'etait ce fameux plan Juppé.
Combien, parmi les jeunes et moins jeunes ont manifesté ces derni`res semaines, sont dans ce même cas ?
Combien ont pris le prétexte du CPE pour descendre dans la rue s'amuser, ou manifester leur désarroi, leur peur de l'avenir dans une société qui ne leur offre pas grand chose d'encourageant, ou pour les moins honêtes, se fondre dans la masse pour casser ?
Combien espèrent avoir leur petit mai-68 à eux, (on en a tellement fait quelquechose de romanesque, on a tellement institutionalisé cette révolte ) se fabriquer des souvenirs pour quand ils seront vieux et qu'ils pourront raconter à leur progéniture le bon vieux temps ?
Et, combien parmi les leaders des mouvements étudiants sont là pour fourbir leurs armes  et amorcer une carrière politique ?
En même temps, si on n'a pas envie de changer le monde a 20 ans, c'est grave aussi.  -Reste à savoir comment, et en quoi on veut le changer .

Mais revenons à nos moutons ( hé hé, justement...)
J'ai jeté un oeil sur les pages internet des médias français pour les comparer aux médias américains.
Dans les journaux français, on voyait à la Une des images des cortèges de manifestants, brandissant des banderoles, la foule bigarée. un cote "festif" ; avec des titres allant plutot dans le sens des revendications. ( "une victoire pour les anti-CPE", par exemple, dans Le Monde)
Dans les médias américains, des photos de casseurs en action, de feux de poubelles, d'un homme couché à terre le nez en sang. Les titres contenaient tous le mot "riot" ( émeute) et les articles insistaient sur la violence et les destructions.
Le journal The Economist offre un article de plusieurs pages et met en couverture  le dessin d'un coq tricolore, sur un pied, et les yeux bandés, titré "France faces future" ( la France fait face au futur)
L'article y présente les manifestants comme des conservateurs s'élevant contre toute tentative de changement, et mentionne les difficultés du gouvernement Villepin  (en l'occurence) à faire passer ses mesures ou à instiller un quelconque changement. Partial? oui, sans doute. Mais il y a plusieurs sons de cloche ici aussi :en  faisant nos courses chez Tradder Joe's, une dame, nous entendant parler francais, nous a interpellés dans la langue de Molière en disant "oh, vous êtes français ! Je serais fière d'être française en ce moment, avec ce qui se passe chez vous "

Mais rassurons nous, il reste un peu d'universalité dans ce monde de brute : la version américaine de Marie-Claire propose les mêmes marroniers que son homologue français.


Commentaires

  • Rigiolote ta conclusion au sujet de Marie-Claire ! Tu nous rappelles là que l'uniformisation appartient probablement au revers sombre de la médaille appelée mondialisation, dont la France tire aussi quelque profit dans beaucoup de domaines !
    Au sujet du CPE - et au-delà des querelles politiciennes droite/droite, gauche/droite et gauche/gauche, je reste assez étonné que l'ensemble du mouvement anti-CPE a ceci de commun qu'on n'a jamais entendu qui que ce soit proposer quoi que ce soit. Ah si : Besancenot et le PCF ont trouvé une idée de génie : le CDI pour tout le monde ! Moi, je suis d'accord, mais on fait comment, concrètement ?

  • Le CDI pour tous est une anerie.
    Par experience, je peux te dire qu'un CDI, ca peut etre le pire des pieges. ( j'ai un CDI....a 18 heures semaine, ce qui m'amene a me debrouiller pour vivre avec moins que le smic, sympa, non ?)
    Dans ma vision des choses, la securite de l'emploi, c'est l'assurance de retrouver facilement un autre boulot si tu quittes le tien (quelle que soit la raison), et non d'etre enchaine ad vitam a un seul et meme employeur.
    Et il y a bien des fois ou je prefererais une suite de CDD bien payes, peu importe s'il y a quelques semaines d'inactivite entre chaque contrat pourvu que j'ai de quoi vivre ( assedic, assurance privee, economies...), a cette arnaque de CDI.

  • J'aime beaucoup cet article. C'est important de prendre du recul, à l'aune de ce qui se pense ailleurs. Et puis, tu le racontes bien !

  • @ Zelda : merci !

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