Voilà une idée brillante :je vais monter une troupe, avec mes bénéficiaires ! Je me demande dans quelle mesure, si ça se faisait, je ne gagnerais pas plus là qu'en tant qu'accompagnateur à l'emploi, mais bon…ce n'est pas le propos .
J'ai en effet parmi mes suivis du moment : un réalisateur bulgare, un auteur-compositeur interprète façon romantique torturé, un musicien gipsy, une graphiste-designer….Il ne me reste plus qu'à les faire bosser ensemble et nous tenons une bonne équipe: un qui compose, un qui interprète, un qui filme le clip et la 4e pour illustrer la pochette du CD. Pour ce qui est du spectacle live, je suis sûre qu'en sollicitant mes collègues, ont pourrait trouver dans leurs dossiers des techniciens du son, éclairagistes etc, Et même de quoi enrichir la formation de percussionnistes, choristes, danseurs …Nous voilà prêts à concurrencer la Star'Ac, avec la PLIE-Accademy.*
Mais soyons lucide : aucune de ses personnes ne trouvera d'emploi en relation avec son art.
Recevoir ce genre de public revient à endosser l'uniforme de la fée Carabosse, celle qui dit : " C'est chouette, mais sinon, comme métier-pour-gagner-votre-vie, on cible quoi ? ", en un mot, amener l'épreuve de réalité.
Il n'y a pas grand chose de gratifiant à devoir expliquer aux gens qu'ils doivent renoncer à l'idée de vivre de leur art, ranger ça dans la case "loisirs", accepter de devenir grand et chercher un "vrai" boulot. Expliquer que les institutions ne sont pas des mécènes et que le Conseil Général n'est plus d'accord pour payer des RMI à des gens en capacité de travailler, d'être productifs, mais qui ne le font pas parce qu'ils préfèrent se consacrer à leur passion.
Parmi tous ceux là, il faut encore distinguer les dilettantes qui considèrent que gratter la guitare 2heures par semaine fait d'eux un artiste, ceux qui se cachent derrière ce prétexte pour éviter d'entrer dans la vie active ; et ceux qui s'investissent réellement dans leur art. Les premiers, on peut les convaincre de remettre les pieds sur terre pour peu que leurs stratégies de contournement ne soient pas trop systématiques.
Pour les autres, quand on sait ce que représente comme boulot la pratique d'un art à un niveau peu ou prou professionnel, on se doute bien que cela n'est pas vraiment compatible avec un autre métier.
Hier, le RMI les faisait vivre, en attendant un statut d'intermittents du spectacle pour certains, en subside de type "mécénat social " pour les autres.
Mais le "tout à l'emploi" actuel marche sur ce genre de considérations.
A certains égards, on se demande même à quel point la culture n'est pas en passe d'être considérée comme superflue dans la société qui se dessine.
* PLIE : Plan Local pour l'Insertion et l'Emploi. C'est le dispositif d'insertion pour/dans lequel je travaille.