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Adieu

Il s’agira demain de dire adieu à un ami.

Pas un de ces amis proches que l’on voit tout le temps, mais un de ceux qui, même après s’être un peu perdus de vue, restent très cher à votre cœur.

Une dizaine d’année à chanter ensemble au chœur, c’est se voir une fois par semaine et trois week-end l’année, c’est partager les moments forts de concerts et les fêtes de 3e mi-temps.

C’est connaître les conjoints, et accompagner l’autre quand un coup du sort le rend veuf. C’est l’accueillir à nouveau dans le cocon du groupe après un deuxième coup du sort sous forme d’un AVC. Jusqu’à ce qu’un troisième, ce foutu crabe, ne l’éloigne définitivement .

Il se sera battu longtemps et vaillamment mais hélas il n’aura pas vu se lever l’année nouvelle.

Mais cet ami, s’il a une place unique, c’est aussi par un lien particulier : l’amour inconditionnel qui me lia à son frère il y a bien des années. Si le sort l’avait décidé, si mes vœux de l’époque avaient été exaucés, nous aurions été de la même famille.

Demain, au moment de lui dire adieu et de chanter pour lui l’Ave Verum de Mozart, je ne pourrai pas faire l’économie du souvenir de cette histoire ancienne. Il y a aura là bien des choses en présence : mon affection pour Bruno, le souvenir de mon amour pour son frère, et la présence de celui ci avec la femme qu’il m’avait préférée à l’époque, avec les enfants qu’elle lui a donnés -ce qui n’aurait pas été possible avec moi.

Le hasard a fait que je ne les aurai jamais connus ensemble. Si l’un et l’autre, je les ai connus et côtoyés par le biais du chant et du même chœur, ce n’est qu’après le départ de Stéphane que j’ai rencontré Bruno. Je me souviendrai toujours de la première fois où je l’ai entendu chanter : au-delà de l’air de famille, la ressemblance de sa voix avec celle de son frère m’avait cueillie, plantant son glaive dans une plaie encore ouverte.

Il y a des histoires dont on ne revient jamais tout à fait, malgré le temps et tout le raisonnable.

Mais demain, il s’agira de dire adieu à un ami.

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