On entend ces derniers temps parler de la suppression de la «dispense de recherche d'emploi», qui concernait depuis 1985 les chômeurs âgés de plus de 57 ans, présentée de la manière suivante « grâce à la suppression de cette dispense, les seniors auront de nouveau le droit de chercher du travail ».
Dissipons un premier mensonge, pour commencer : cette dispense, si elle exempte d'avoir à produire les preuves de recherche d'emploi et de pointer chaque mois à l'assedic, n'a jamais interdit à quiconque le souhaitait de continuer à chercher du travail, et même, parfois, d'en trouver.
La suppression de cet aménagement, c'est juste cohérent avec cet esprit qui veut reculer l'âge de la retraite toujours un peu plus loin (genre, si elle peut coïncider avec la date de votre décès vous êtes le citoyen parfait), faire travailler les gens toujours plus (revenons à l'esclavage, ça réglera tous les problèmes d'un seul coup...) etc. C'est cohérent aussi avec cette chasse à l'inactif mené par nos institutions depuis quelques temps : haro sur le chômeur, le rmiste, bref, le parasite qui vit au crochet du bon citoyen (celui qui fait plus de 35 heures et ne prendra jamais de retraite, donc).
Sauf que...
Sauf que si on faisait le compte des gens qui se sont fait dégager de leur postes aux abords de la cinquantaine par ces sacro-saintes belles entreprise, si on considérait le peu d'employeurs qui acceptent d'embaucher des « seniors » comme on dit poliment et encore, dans quelle conditions... on s'apercevrait vite qu'il y a, comme dirait Fernand Raynaud, « comme un défaut », et surtout une énorme hypocrisie dans tout ça.Il est clair que l'âge constitue un frein objectif pour le reclassement, pas un professionnel de l'insertion ne dira le
contraire.
C'est déjà compliqué quand vous êtes sur un métier où l'âge n'a pas d'incidence directe sur votre activité, parce qu'on va vous reprocher d'avoir trop d'expérience, un diplôme périmé, des prétentions salariales trop élevées, etc Même si vous candidatez sur un poste en dessous, on préférera l'attribuer à quelqu'un d'autre en vous expliquant « mais, avec le parcours que vous avez, vous allez vous ennuyer!» tout en pensant « les vieux ça fait pas dynamique dans une équipe ».Et si vous êtes dans un métier où le poids des apparences et/ou la bonne santé physique sont importantes, ça se complique encore plus. Allez convaincre une entreprise d'embaucher un manutentionnaire, une secrétaire, une vendeuse ayant passé la cinquantaine...
Je ne dis pas que c'est perdu d'avance : j'ai eu en suivi des personnes qui ont relevé ce défi là. J'en connais aussi un grand nombre (le plus grand nombre peut être), pour qui ce ne sera pas possible. Surtout quand le fossé se creuse au fil des années d'inactivité : au frein de l'âge s'ajoute alors celui d'une période de chromage parfois importante, et là, bon courage !
Depuis quelques temps, la part des plus de 50 ans dans les personne que je retrouve parmi mes suivis augmente sensiblement.
Devenus Rmistes après avoir été salariés (cadre ou manoeuvre, c'est égal), vivotant de l'ASS, ils ont vu leur niveau de vie s'effondrer et avec lui leurs espérances, leurs perspectives. Jusqu'ici, on leur épargnait encore le flicage en proposant un accompagnement à l'emploi, auquel ils étaient libres de consentir ou pas, on prenait en compte qu'avec leur âge et leur carrière ils avaient finalement mérité qu'on leur fiche un peu la paix. Époque révolue.
Alors quoi? On va inventer encore un contrat aidé de plus, avec un beau titre, genre «le contrat de la dernière chance», qui permettra aux entreprises d'embaucher à vil prix , sur les deniers publics, du personnel corvéable à merci, sous payé et qui-doit-dire-merci-car-on-lui-a fait-la-grâce-de-l'embaucher? On va instaurer des « quotas » où chaque entreprise, au pro-rata de son nombre global d'employés, se devra d'avoir son nombre légal de vieux, comme cela existe déjà avec les handicapés ? Ou on va appliquer des mesures de rétorsion à la mode du style réduction des indemnités au bout de X tentatives infructueuses, interdiction de refuser un poste proposé, etc?
Je rigole doucement aussi quand j'entends dire « à partir de 55 ans, vous pouvez entamer une seconde carrière, vous former, blablabla ». Mais bien sur... quand on sait à quel point il est difficile dans ce pays d'entamer une reconversion, quel que soit l'âge, ça laisse songeur quant aux possibilités réelles offertes aux seniors sur ce plan. Ensuite, une fois de plus ce discours s'adresse au dessus du panier : je veux bien queles ex-chefs d'entreprises, les cadres sup' etc. puissent entamer comme ils disent « une seconde carrière ». Sauf que les gens que je vois moi, au quotidien, ils plus près du bac -5 que du bac +12 : alors, on lui propose quoi, comme seconde carrière, au manoeuvre qui s'est cassé le dos sur les chantiers, au plongeur illettré, à la couturière, à l'ouvrière qui a bossé derrière sa chaîne des années durant ?