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  • Dernier jalon

    Ce matin, les obsèques, dernier jalon de ces jours, avant l’absence totale.
    Je suis restée prés d’elle tant que j’ai pu, jusqu’à ce que le cercueil soit refermé, pendant qu’il l’était. C’était naturel, nécessaire, même. Arrivée très tôt, j’ai profité d’un dernier un instant seule avec elle pour glisser, tout contre son épaule, la version manuscrite des quelques lignes pour elle réclamées par le curé. J’ai voulu lui toucher la joue, mais elle était glacée, si froide alors qu’aux derniers moments de sa vie, quand je lui caressais le front à l’hôpital, elle était brulante de fièvre. Assez vite les gens sont arrivés, nous nous retrouvions nombreux dans le petit salon où elle reposait, j’étais contente d’être venue très tôt pour avoir ce petit moment encore de tête à tête, juste nous deux, pour lui dire encore quelques mots sans témoins.
    Est venu enfin le moment de la fermeture du cercueil, les volants rabattus, le couvercle ajusté et vissé, le moment où la dernière image disparait, où il n’y a plus une personne mais une boite en face de nous.

    La célébration à l’église n’a pas été très longue mais finalement ce prêtre a trouvé des mots assez justes. Il a parlé des 4 cadeaux fait en Arles  la naissance d’un enfant : le pain, pour que chacun soit nourriture de l’autre dans la générosité, le sel, pour la sagesse, l’œuf, pour que la vie soit pleine et féconde, et les allumettes, pour la lumière et la droiture. J’ai aimé cette symbolique et la manière dont il l’a déclinée dans l’évocation de la vie de ma grand-mère.
    Tout cela lui ressemblait. Je l’ai laissé lire mon texte car je n’ai pas eu le courage de le faire moi-même, comme je le pressentais : sa voix assurée a donné la clarté qu’il fallait pour porter ces paroles, qu’elles soient entendues, partagées, sans parasite ni médiocrité.

    Il avait posé une petite bougie sur le cercueil, allumée pendant toute la cérémonie. A la fin, il l’a éteinte et me l’a donnée. C’était comme un message, comme pour me dire que cette vie, cette personne qui s’est éteinte là, c’est de ma responsabilité aujourd’hui de la perpétuer. Comme un témoin que l’on remet, que l’on confie pour dépasser l’étape et continuer, successivement mais ensemble. C’était étrange et j’ai du mal à le formuler.

    Après la cérémonie, les condoléances, les gens qui défilent et vous embrassent, certains réellement émus, certains qui vous délivrent un petit mot ou une anecdote, ceux que je ne connaissais pas.

    Au cimetière ensuite, un dernier geste avant de descendre le cercueil dans le caveau, une caresse sur le bois, un baiser déposé sur la plaque, et il est l’heure du plongeon.
    Son cercueil est installé à coté de celui de mon grand père, puis la plaque est scellée à nouveau, la terre remise en place, les fleurs déposées. Je redoutais cet instant mais finalement ce n’était pas pire que le reste . La page se tourne ici définitivement . A partir d’aujourd’hui il va falloir apprendre à vivre sans elle.

  • Funérarium

     

    Visite au funérarium aujourd’hui.

     A l’époque, j’avais refusé d’y aller pour mon grand père, je ne voulais pas qu’une image de mort ou de maladie –j’étais si peu allé le voir à ‘hôpital aussi, le pauvre, ne vienne  remplacer dans ma mémoire l’image de lui en pleine santé. Le fait est que j’ai lourdement payé ce choix en regrets et en culpabilité depuis.

    Je n’avais pas cette fois ces excuses. J’ai vu la vie la quitter, j’ai vu son visage transformé par les épreuves, je l'ai entendue dire "je vais /je veux mourir", alors qu’est ce qui pouvait être pire ? Et puis je voulais la voir encore avant de ne plus pouvoir la voir du tout.

    C’est une étrange image qu’une personne dans un cercueil. Visage apaisé mais pas vraiment son visage, pas celui de l’hôpital, pas celui d’avant non plus. Plus  de trace de souffrance mais plus vraiment elle non plus. Un visage de statue de cire. Et pourtant il me semblait par moment, en la regardant, qu’elle va ouvrir les yeux, sourire et se redresser.

    A ses cotés, une photo de mon grand père (j’espère qu’il l’a tient dans ses bras aujourd’hui), une petite effigie de la Vierge qu’elle avait sur sa table de nuit, à son cou une chainette avec un cœur d’ambre que je lui avais offert.

    Et tout autour, les fleurs, l’odeur des lys, les gerbes, le cœur fait de roses roses, blanches et d’orchidées, qui sera mon dernier cadeau pour elle.

    Aujourd’hui mes parents recevaient le curé pour préparer la cérémonie : il me demande de préparer un texte pour le lire lors des obsèques. Une action de grâce, dit il, des remerciements pour ce qu’elle nous a transmis, quelques mots sur ce qu’elle était pour moi. Il nous demande aussi quelques photos – difficile épluchage des albums, où l’on voit désormais toujours plus nombreux les visages de ceux qui sont partis, où revoir des photos d’elle en pleine forme est à la fois un baume et un crève cœur.

    Au funérarium, près d’elle, j’ai écrit quelques mots. Je lui ai parlé aussi, doucement, pour lui dire que j’espérais qu’elle aimerait ce texte et qu’elle me pardonnerait de ne pas avoir la force de le lire moi-même. Lui dire combien je l’aimais et combien j’espère qu’elle l’a su, qu’elle l’a senti quand elle était vivante. Lui dire bien d’autres choses encore, même avec cette voix que le chagrin me casse, même si son corps ne les entends plus, peut être son âme les reçoit elles.

     

    Ma Mamie Chérie,

    Au moment où il faut se dire « au revoir », j’aimerais évoquer et partager en quelques mots ce que tu représentais pour moi.

    Comme toutes les personnes qui t’ont connue, je retiendrai ta générosité et ta joie de vivre : toujours souriante et gaie, coquette – et gourmande aussi !

    J’aimerais te remercier pour ces jolies valeurs que tu m’as transmises, et qui faisaient de toi cette personne si appréciée et estimée de tous.

    J’aimerais aussi te remercier d’avoir été ce rayon de soleil, cette fontaine d’amour inépuisable.

    Merci pour cette présence à mes cotés pendant ces presque 4 décennies, chemin fait de complicité et de tendresse à chaque instant.

    Aujourd’hui, malgré la tristesse, je ne veux retenir que cet amour.

    Je sais que tu continueras de m’accompagner, même si c’est d’une autre manière.

    Je te garderai toujours dans mon cœur.

     

     

     

     

     

  • La déchirure

    Elle est partie.

    13h30 ou quelquechose comme ça .Une partie de moi est morte en meme temps, la part douce et dorée de mon enfance est morte elle aussi aujourd’hui.
    J’étais présente aupres d’elle tant que j’ai pu, tous les soirs de cette semaine depuis son opération, aujourd’hui jusqu’à son dernier souffle et pourtant cela ne me semble pas assez. Parce que ce ne sera plus jamais possible, maintenant, d’aller la voir, de lui parler, de passer du temps avec elle, de lui apporter les petites gâteaux à la chantilly qu’elle aimait tant .
    Je n’avais jamais vu mourir quelqu’un avant aujourd’hui. Jamais entendu ce râle, ces sonneries d’appareils, le temps qui s’étire et en même temps chaque minute qui compte parce qu’elle sera peut etre la dernière et qu’on veut ma garder encore un peu, un tout petit peu, avec nous .
    J’ai prié pour que ce dieu dans lequel elle croyait vienne la chercher parce que je n’en pouvais plus d’entendre son râle, de voir ses épaule ses soulever brusquement, s'affaisser, demeurer un instant immobiles pour se relever à nouveau brusquement . Même si les soignants vous disent qu’elle ne souffre pas, qu’elle a de la morphine et des calmants, qu’elle n’a plus sa conscience de toute façon. Comme pour nous dire qu’elle était déjà partie et que seul son corps est encore là, dans sa lutte mécanique et perdue d’avance.
    Hier elle a serré ma main dans la sienne, peut etre pour me dire au revoir, et c’est la dernière fois de nos vies à toutes les deux qu’on se tenait ainsi la main .
    Aujourd’hui c’est comme si quelque chose derrière moi avait été tranché me laissant dos au précipice, et devant la route n’est pavée de tout ce qui ne sera plus possible.
    Je voudrais m’endormir et me reveiller demain, que cela ne soit qu’un affreux cauchemar et que je puisse reprendre avec elle une conversation, lui montrer les photos de mon appartement et l’emmener faire les soldes, lui ramener de voyage un magnet pour sa collection …
    Elle qui n’était qu’amour...

    Je taime, Mamie.