Poursuivant ma découverte intrépide des ressources de ma salle de gym –pardon, de mon club de fitness, j’opte ce trimestre pour un nouveau cours : le body jam. Qu’est ce qui m’a pris, je ne sais pas, le printemps, les pollens qui montent à la tête…bref, me voilà sur les rangs pour une nouvelle expérience, faisant fi des souvenirs de la dernière tentative du genre en « body balance » et yogacrobaties.
1er constat, je suis à peu près la plus vieille du cours. Autour de moi se pressent fougueux éphèbes et jeunes gazelles, ça aurait du me mettre la puce à l’oreille.
2e constat, c’est pas tout à fait la musique que j’écouterais dans mon salon –mais ça je commence à avoir l’habite avec les autres cours, ça m’aidera à parfaire mon vernis culturel version djeuns. Déjà j’ai appris à distinguer Cascada de Carola, et j'ai découvert des remix de AC-DC et autres Bon Jovi. C’est un acquis en soi.
Les profs entrent en scène, le jeune homme tatoué est habillé en « caillera » avec baggy et casquette à l’envers, la demoiselle blonde tatouée, en sarouel blanc et brassière fluo. Au-delà des variations vestimentaires et capillaires, je remarque que le tatouage reste une valeur sure chez le prof de fitness.
Les débutants sont incités à se signaler, je lève une main timide. On nous explique qu’il s’agit essentiellement de s’amuser et de « bouger sur la musique »: hip-hop, house, le tout saupoudré de R&B. En bref, nous avons pour objectif de bouger notre body just like Eminem dans la 1er partie du cours et Beyoncé dans la seconde. Ah oui…quand même. Les djeuns autour, ça n’a pas l’air de leur poser problème, genre ils ont fait ça toute leur vie, et c'est là que tu sens un peu le fossé des générations.
La musique commence et le cours avec. Au début, il s’agit juste de répéter des mouvements les uns après les autres, rien de sorcier. Là ou ça se corse, c’est quand il faut les mettre ensemble.. –d'où une question récurrente « mais pourquoi je suis toujours à l’envers ? ». De quoi se sentir subitement en empathie avec le saumon qui tente de remonter le courant. Là où ça se corse un peu plus, c’est quand il faut sauter. Ah, sauter ! Quand on est un fougueux éphèbe ou une jeune gazelle, pas de problème. Au-delà on prend le risque de se pocher l’oeil avec un sein ou de se démettre un genoux, c’est moins drôle. J’apprends donc à squizzer l’air de rien cette partie de la chorégraphie, ce qui me permet de me retrouver calée à peu près sur le même timing que les autres, parce que, j’oubliais…ils font comment pour bouger aussi vite ???
Bon, le ridicule ne tue pas, fort heureusement pour moi. J’ai même droit à l’indulgence des profs et à l'indifférence des participants, ce qui m’arrange bien.
Au bout de 2-3 séances, je commence à mémoriser la choré, trop fière de bouger enfin en rythme et dans le bon sens…et c’est à ce moment là que je m'aperçois que les traîtres ont décidé de la modifier, leur foutue choré, en y intégrant des morceaux des anciennes-que-tout-le-monde-connaît-par-coeur, sauf moi bien sur…Prise d’un sérieux doute j’ai tenté de m’éclipser du cours mais je me suis fait rattraper par les bretelles et par la prof qui me lance un « non,non, tu connais le bodyjam maintenant, tu restes avec nous » Ah? Vraiment? J'obtempère donc (comment résister à un avatar de Mia Frye, le poulpe en moins ?) et tente de me concentrer sur les nouveaux pas, mais, le temps que je comprenne de quoi il s'agissait, on était revenus sur un terrain connu -ouf !
Ce qui me console au final, c’est qu' à en juger par les commentaires que j’entends dans les vestiaires, on est tous logés à la même enseigne. Les profs, quant à eux, ne sont pas des malades de la performance : tant qu’on est un minimum investi et qu’on s’amuse, tout va bien.
Or, il se trouve qu'en fait, je trouve ça très rigolo. D'ailleurs, j'y retourne demain!
Occident-Express - Page 59
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Citius, Altius, Fortius
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Dispensés!
On entend ces derniers temps parler de la suppression de la «dispense de recherche d'emploi», qui concernait depuis 1985 les chômeurs âgés de plus de 57 ans, présentée de la manière suivante « grâce à la suppression de cette dispense, les seniors auront de nouveau le droit de chercher du travail ».
Dissipons un premier mensonge, pour commencer : cette dispense, si elle exempte d'avoir à produire les preuves de recherche d'emploi et de pointer chaque mois à l'assedic, n'a jamais interdit à quiconque le souhaitait de continuer à chercher du travail, et même, parfois, d'en trouver.
La suppression de cet aménagement, c'est juste cohérent avec cet esprit qui veut reculer l'âge de la retraite toujours un peu plus loin (genre, si elle peut coïncider avec la date de votre décès vous êtes le citoyen parfait), faire travailler les gens toujours plus (revenons à l'esclavage, ça réglera tous les problèmes d'un seul coup...) etc. C'est cohérent aussi avec cette chasse à l'inactif mené par nos institutions depuis quelques temps : haro sur le chômeur, le rmiste, bref, le parasite qui vit au crochet du bon citoyen (celui qui fait plus de 35 heures et ne prendra jamais de retraite, donc).
Sauf que...
Sauf que si on faisait le compte des gens qui se sont fait dégager de leur postes aux abords de la cinquantaine par ces sacro-saintes belles entreprise, si on considérait le peu d'employeurs qui acceptent d'embaucher des « seniors » comme on dit poliment et encore, dans quelle conditions... on s'apercevrait vite qu'il y a, comme dirait Fernand Raynaud, « comme un défaut », et surtout une énorme hypocrisie dans tout ça.Il est clair que l'âge constitue un frein objectif pour le reclassement, pas un professionnel de l'insertion ne dira le
contraire.
C'est déjà compliqué quand vous êtes sur un métier où l'âge n'a pas d'incidence directe sur votre activité, parce qu'on va vous reprocher d'avoir trop d'expérience, un diplôme périmé, des prétentions salariales trop élevées, etc Même si vous candidatez sur un poste en dessous, on préférera l'attribuer à quelqu'un d'autre en vous expliquant « mais, avec le parcours que vous avez, vous allez vous ennuyer!» tout en pensant « les vieux ça fait pas dynamique dans une équipe ».Et si vous êtes dans un métier où le poids des apparences et/ou la bonne santé physique sont importantes, ça se complique encore plus. Allez convaincre une entreprise d'embaucher un manutentionnaire, une secrétaire, une vendeuse ayant passé la cinquantaine...
Je ne dis pas que c'est perdu d'avance : j'ai eu en suivi des personnes qui ont relevé ce défi là. J'en connais aussi un grand nombre (le plus grand nombre peut être), pour qui ce ne sera pas possible. Surtout quand le fossé se creuse au fil des années d'inactivité : au frein de l'âge s'ajoute alors celui d'une période de chromage parfois importante, et là, bon courage !
Depuis quelques temps, la part des plus de 50 ans dans les personne que je retrouve parmi mes suivis augmente sensiblement.
Devenus Rmistes après avoir été salariés (cadre ou manoeuvre, c'est égal), vivotant de l'ASS, ils ont vu leur niveau de vie s'effondrer et avec lui leurs espérances, leurs perspectives. Jusqu'ici, on leur épargnait encore le flicage en proposant un accompagnement à l'emploi, auquel ils étaient libres de consentir ou pas, on prenait en compte qu'avec leur âge et leur carrière ils avaient finalement mérité qu'on leur fiche un peu la paix. Époque révolue.
Alors quoi? On va inventer encore un contrat aidé de plus, avec un beau titre, genre «le contrat de la dernière chance», qui permettra aux entreprises d'embaucher à vil prix , sur les deniers publics, du personnel corvéable à merci, sous payé et qui-doit-dire-merci-car-on-lui-a fait-la-grâce-de-l'embaucher? On va instaurer des « quotas » où chaque entreprise, au pro-rata de son nombre global d'employés, se devra d'avoir son nombre légal de vieux, comme cela existe déjà avec les handicapés ? Ou on va appliquer des mesures de rétorsion à la mode du style réduction des indemnités au bout de X tentatives infructueuses, interdiction de refuser un poste proposé, etc?
Je rigole doucement aussi quand j'entends dire « à partir de 55 ans, vous pouvez entamer une seconde carrière, vous former, blablabla ». Mais bien sur... quand on sait à quel point il est difficile dans ce pays d'entamer une reconversion, quel que soit l'âge, ça laisse songeur quant aux possibilités réelles offertes aux seniors sur ce plan. Ensuite, une fois de plus ce discours s'adresse au dessus du panier : je veux bien queles ex-chefs d'entreprises, les cadres sup' etc. puissent entamer comme ils disent « une seconde carrière ». Sauf que les gens que je vois moi, au quotidien, ils plus près du bac -5 que du bac +12 : alors, on lui propose quoi, comme seconde carrière, au manoeuvre qui s'est cassé le dos sur les chantiers, au plongeur illettré, à la couturière, à l'ouvrière qui a bossé derrière sa chaîne des années durant ? -
PLIE-Accademy
Voilà une idée brillante :je vais monter une troupe, avec mes bénéficiaires ! Je me demande dans quelle mesure, si ça se faisait, je ne gagnerais pas plus là qu'en tant qu'accompagnateur à l'emploi, mais bon…ce n'est pas le propos .
J'ai en effet parmi mes suivis du moment : un réalisateur bulgare, un auteur-compositeur interprète façon romantique torturé, un musicien gipsy, une graphiste-designer….Il ne me reste plus qu'à les faire bosser ensemble et nous tenons une bonne équipe: un qui compose, un qui interprète, un qui filme le clip et la 4e pour illustrer la pochette du CD. Pour ce qui est du spectacle live, je suis sûre qu'en sollicitant mes collègues, ont pourrait trouver dans leurs dossiers des techniciens du son, éclairagistes etc, Et même de quoi enrichir la formation de percussionnistes, choristes, danseurs …Nous voilà prêts à concurrencer la Star'Ac, avec la PLIE-Accademy.*Mais soyons lucide : aucune de ses personnes ne trouvera d'emploi en relation avec son art.
Recevoir ce genre de public revient à endosser l'uniforme de la fée Carabosse, celle qui dit : " C'est chouette, mais sinon, comme métier-pour-gagner-votre-vie, on cible quoi ? ", en un mot, amener l'épreuve de réalité.
Il n'y a pas grand chose de gratifiant à devoir expliquer aux gens qu'ils doivent renoncer à l'idée de vivre de leur art, ranger ça dans la case "loisirs", accepter de devenir grand et chercher un "vrai" boulot. Expliquer que les institutions ne sont pas des mécènes et que le Conseil Général n'est plus d'accord pour payer des RMI à des gens en capacité de travailler, d'être productifs, mais qui ne le font pas parce qu'ils préfèrent se consacrer à leur passion.
Parmi tous ceux là, il faut encore distinguer les dilettantes qui considèrent que gratter la guitare 2heures par semaine fait d'eux un artiste, ceux qui se cachent derrière ce prétexte pour éviter d'entrer dans la vie active ; et ceux qui s'investissent réellement dans leur art. Les premiers, on peut les convaincre de remettre les pieds sur terre pour peu que leurs stratégies de contournement ne soient pas trop systématiques.
Pour les autres, quand on sait ce que représente comme boulot la pratique d'un art à un niveau peu ou prou professionnel, on se doute bien que cela n'est pas vraiment compatible avec un autre métier.
Hier, le RMI les faisait vivre, en attendant un statut d'intermittents du spectacle pour certains, en subside de type "mécénat social " pour les autres.
Mais le "tout à l'emploi" actuel marche sur ce genre de considérations.
A certains égards, on se demande même à quel point la culture n'est pas en passe d'être considérée comme superflue dans la société qui se dessine.* PLIE : Plan Local pour l'Insertion et l'Emploi. C'est le dispositif d'insertion pour/dans lequel je travaille.